L’alimentation mondialisée : un système à bout de souffle

L’alimentation et l’agriculture sont traversées par 4 crises majeures :

Les impacts de notre alimentation sur notre santé sont immenses

L’obésité touche 2 fois plus de personnes qu’il y a 20 ans et c’est 4 fois plus pour les 18-24 ans. L’Organisation Mondiale de la Santé considère qu’il s’agit désormais d’une épidémie tandis que les multinationales de l’agroalimentaire investissent chaque année 5 500 000 000€ en publicité pour nous faire acheter des produits trop gras, trop sucrés, trop salés. Faites l’expérience de noter les publicités que vous êtes contraints de visionner, sur YouTube par exemple.

Nous sommes 70 millions d’habitant-es en France, cet argent représente donc un investissement des multinationales en marketing de 78€ par français et par an : c’est 1000 fois plus que le budget des campagnes de prévention du gouvernement (5 fruits et légumes par jour par exemple). Ce documentaire Arte montre entre autres que :

  • Les industriels ont composé leurs produits ultra transformés (barres chocolatées, plats préparés, céréales du matin etc) à partir d’imagerie cérébrale afin de déterminer quelle combinaison de sucre et de matières grasses provoquait la plus forte libération de dopamine. Hormone associée au bonheur et à la récompense elle peut susciter des addictions graves, notamment au sucre : il s’agit de produire une sensation de plaisir qui nous poussera à réitérer l’expérience plutôt que de répondre à nos besoins nutritionnels.
  • Les stratégies marketing déployées par les industriels de l’agroalimentaire ont été les mêmes que celles mises en place par l’industrie du tabac dans la 2e moitié du XXè siècle : libération des contraintes (les barres énergétiques au milieu de la journée plutôt qu’un repas), ciblage massif des enfants (pubs pour les céréales du petit déjeuner pendant les dessins animés).

Dans le même temps, nous dépensons chaque année 12 000 000 000€ d’argent public pour soigner les maladies qui découlent de notre alimentation

La précarité alimentaire explose en France

En 2023, un rapport du Secours Populaire montre qu’1 Français-e sur 3 saute des repas régulièrement, la pauvreté augmente à grande vitesse, et le nombre de demandeurs de l’aide alimentaire explose depuis le COVID et l’inflation qui a suivi le début de la Guerre en Ukraine.

Selon une étude des Banques alimentaire, 2.4 millions de Français-es ont eu recours à l’aide alimentaire en 2023. C’est 3 fois plus qu’il y a 10 ans. Ce système permet à des millions de personnes de ne pas mourir de faim grâce au dévouement des bénévoles des associations mais l’Etat et les pouvoirs publics s’en désengagent totalement. Un ancien 1er ministre considérait même que le travail réalisé par les associations constituait un « coût évité » pour l’Etat. Ce système est pourtant profondément injuste :

  • Les supermarchés déposent leurs invendus sur leurs parkings.
  • Les associations agréées viennent récupérer ces invendus, c’est le modèle des ramasses.
  • Les supermarchés reçoivent des reçus fiscaux en échange de ces invendus. Cela signifie que pour 1000€ de marchandises non vendues, l’Etat en rachète 666€ via une exonération d’impôts pour le supermarché. Ainsi, nous rachetons tous collectivement les surplus de la grande distribution en solvabilisant par la défiscalisation le surproduction du système alimentaire.
  • En bout de chaîne, les citoyen-nes ayant recours à l’aide alimentaire n’ont pas le choix sur leur alimentation et sont chaque semaine dépendant-es des invendus des supermarchés. Dans ce contexte, compliqué de planifier des recettes, de s’organiser pour cuisiner, pour avoir des produits frais. En somme, choisir ce que l’on mange et se faire plaisir à travers la nourriture devient quasiment impossible. Pour creuser le sujet, cet article de Basta, média indépendant, résume la situation de l’aide alimentaire.

Face à ce fonctionnement indigne où les plus aisés mangent bio tandis que les plus précaires mangent les invendus dont personne n’a voulu, il faut garantir un droit effectif à l’alimentation pour tous qui donne les moyens matériels à tous les citoyen-nes d’avoir accès à une alimentation qui soit choisie et bonne pour la santé.

Crise du revenu du monde agricole

Ces derniers mois, voire ces dernières années, ont été marquées par de nombreuses mobilisations et colères des agriculteurs. En effet, le monde agricole est en crise face à des problèmes structurels liés au fonctionnement de ce secteur.


La crise du revenu agricole


Une des principales revendications des agriculteur-ices est la juste rémunération de leur travail. Selon un rapport du Shift Project, qui a organisé une grande consultation des agriculteur-ices ayant reçu près de 8000 réponses, près de 90% d’entre eux sont prêts à s’engager dans la transition agroécologique dès lors que des débouchés et des revenus leurs seront garantis. Aujourd’hui, certains sont payés à un prix inférieur à ce que leur coûte réellement la production. La profession se retrouve alors à devoir vivre grâce aux aides de la politique agricole commune (PAC, 9 milliards d’euros par an pour la France), enveloppes réparties entre les États membres de l’Union européenne, et non de leur travail. Dans le système alimentaire mondialisé, les producteur-ices ne touchent que 6.90€ pour 100€ d’achats alimentaires.


Une concurrence déloyale : produire pour exporter et importer pour se nourrir

Les agriculteur-ices se voient donc mis en concurrence sur le marché mondial, avec des exploitations brésiliennes ou d’Europe de l’Est ne respectant pas du tout les mêmes normes sociales et environnementales. La solution n’est pas de supprimer ces normes pour les agriculteur-ices français-es, qui protègent notre santé à tous en limitant l’usage de produits chimiques et en faisant respecter le droit du travail mais de ne pas mettre en concurrence tous les agriculteur-ices de la planète sur un marché mondial où la recherche de profits passe bien avant la volonté de nourrir les populations avoisinantes.

En effet, nos importations alimentaires ont doublé en 20 ans alors que nous avons une capacité de production agricole largement suffisante pour produire ce que nous mangeons. Le libre échange, la mondialisation et la concurrence favorisent donc une agriculture d’exportation visant à être compétitive sur un marché mondial face à des exploitations ne respectant aucune norme environnementale ou sociale. Nous souhaitons manger ce qui est produit sur nos territoires et cela implique inévitablement de protéger économiquement les exploitations françaises.


S’industrialiser pour rester dans la course


Cette mise en concurrence oblige les agriculteurs à s’adapter pour être compétitifs sur le marché mondial : en 30 ans, la taille moyenne des fermes a doublé mais pas le nombre d’emplois, qui lui s’écroule. Seuls les plus compétitifs, les plus modernes, les plus gros arrivent, pour l’instant, à survivre. Les accélérations de la spécialisation des productions, de la dépendance aux intrants chimiques, de la mécanisation et des nouvelles technologies, entraînent de fortes dépendances énergétiques, non sans effets sur nos milieux de vie. Pourtant, pour certaines productions, les rendements atteignent aujourd’hui un plafond et les effets déjà concrets du réchauffement climatique imposent de changer de logique.


« Notre fin sera votre faim »


Ce slogan entendu en janvier 2024, lors des mobilisations agricoles, résume bien la situation agricole française actuelle. Il n’est pas possible de penser notre système alimentaire sans celles et ceux qui produisent. D’ici à 2030, ce ne sont plus que 300 000 agriculteurs et agricultrices qui
nous nourriront sur le territoire, quand ils étaient encore 1 million dans les années 80. Pour cela, il est nécessaire et vital de repenser conjointement notre système alimentaire et notre système agricole en soutenant massivement les productions locales.

Changement climatique : la nécessité de s’adapter

La France se prépare désormais à vivre dans un monde réchauffé de 4 degrés par rapport à l’ère pré-industrielle à l’horizon 2100. Nous sommes bien loin des objectifs formulés par les Accords de Paris en 2015 qui annonçaient l’ambition de le limiter à 1.5 degré. Les conséquences sur nos vies vont être immenses et la plupart sont encore inimaginables. Le réchauffement climatique fonctionne par effets de seuil : chaque dixième de degré dépassé enclenche une réaction en chaîne qui en entraîne une autre à son tour.

Nos sociétés ont déjà commencé à être frappées par les effets du réchauffement : canicules, sécheresses, pénuries d’eau, incendies, augmentation du prix des matières premières etc. A terme, les conséquences seront concrètes sur notre alimentation : les filières mondialisées dépendantes des énergies fossiles vont être soumises à des risques de perturbation majeurs, les récoltes seront affectées par les perturbations du cycle naturel des saisons, les sécheresses, les inondations et les canicules. L’effondrement de la biodiversité et l’artificialisation des sols vont, outre les pollutions majeures engendrées sur les milieux de vie, faire baisser la productivité des sols et donc les quantités de nourriture produites par hectare.

Dans ce contexte, il n’est heureusement pas trop tard pour se préparer collectivement à affronter ces défis en construisant la société sur d’autres valeurs que l’accumulation illimitée, la concurrence et la mondialisation : la solidarité territoriale, le soutien au monde agricole, préserver les liens que nous entretenons avec les milieux de vie dans lesquels on évolue, la création d’emplois locaux, des espaces de rencontres intergénérationnels.

C’est l’ambition de la Caisse commune alimentaire : construire des structures collectives et démocratiques capables de fournir une alimentation de qualité à tous les habitant-es du territoire en garantissant des revenus aux agriculteur-ices de ce même territoire.

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